Journal l’Humanité
Rubrique International
Article paru dans l’édition du 2 août 2006.
Fidel Castro passe provisoirement la main
Cuba . Le dirigeant cubain victime de problèmes de santé a été contraint de déléguer temporairement ses pouvoirs à son frère cadet, Raul, numéro deux du régime.
Fidel Castro a été victime d’un « accident de santé » nécessitant lundi une intervention chirurgicale aux intestins, selon ses propres termes et l’obligeant à passer « provisoirement » les rênes du pouvoir au numéro deux du régime cubain, son frère Raul, ministre de la Défense.
« Des jours et des nuits de travail continus sans à peine dormir ont fait que ma santé, qui a résisté à toutes les épreuves, a été soumise à un stress extrême et a été ébranlée. Ceci m’a provoqué une crise intestinale aiguë avec des saignements importants, qui m’a obligé à affronter une opération chirurgicale complexe », déclare le président cubain, qui aura quatre-vingts ans le 13 août prochain, dans une « déclaration » solennelle lue à la télévision par son secrétaire particulier, Carlos Manuel Valenciaga.
« Lider Maximo » obligé de se reposer
« L’opération m’oblige à conserver le repos durant plusieurs semaines, éloigné de mes responsabilités et de mes charges », a ajouté le président cubain avant d’annoncer qu’il déléguait temporairement ses fonctions de président du Conseil d’État (gouvernement), de chef des forces armées et de premier secrétaire du Parti communiste cubain (PCC) à son frère Raul.
Ses responsabilités dans différents ministères (santé, éducation et énergie) en tant que coordinateur principal ont été confiées aux actuels ministres en fonction.
Il a également indiqué faire confiance au peuple cubain et aux instances politiques pour que le travail continue normalement dans tous les domaines.
La nature exacte et la gravité de la maladie du dirigeant cubain n’ont pas été communiquées officiellement. On sait seulement selon la déclaration signée de la main de Fidel Castro que « tous les détails de cet accident de santé ont été constatés dans les radiographies, les endoscopies et des matériaux filmés ».
Pour expliquer son état, le président cubain évoque « les énormes efforts » consentis pour son voyage en Argentine pour le sommet du Mercosur, du 22 au 24 juillet, ainsi que son discours annuel du 26 juillet, effectué à Bayamo, au sud-est de La Havane.
Le président cubain a encore demandé que l’anniversaire de ses quatre-vingts ans, le 13 août, soit reporté au 2 décembre, 50e anniversaire de son débarquement à Cuba pour renverser la dictature de Fulgencio Batista.
Il a d’autre part laissé planer le doute sur sa participation au sommet des non-Alignés, prévu à La Havane du 11 au 16 septembre, et au cours duquel il devait prendre la présidence du mouvement, pour la deuxième fois, après celle exercée de 1979 à 1982.
Compte tenu de son âge, de l’état réel ou supposé de sa santé, lui qu’on a essayé de « tuer tant de fois » (réplique de l’intéressé en 2005 aux rumeurs lui attribuant la maladie de Parkinson), les spéculations vont bon train, car c’est la première fois que Fidel Castro est contraint de passer la main et de le dire publiquement.
Certains commentaires n’hésitent pas à l’annoncer déjà pour mort, et l’après-castro, sujet « tabou » abordé pourtant à maintes reprises (notamment dans l’ouvrage d’Ignacio Ramonet Cent Heures avec Fidel) par Castro lui-même, invite à de nombreux scénarios dits de « transition démocratique » ou de sortie de l’ère « castriste » mettant fin au régime du parti unique.
Raul Castro, soixante-quinze ans est, de par la Constitution, le numéro deux cubain et le successeur désigné de son aîné.
Homme de l’ombre, il a constamment veillé sur la sécurité de son frère et sur celle du régime depuis la Révolution cubaine de 1959.
En juin dernier, il avait affirmé que le PCC continuerait à diriger Cuba, et que celui-ci maintiendrait les orientations socialistes de la grande île de la Caraïbe quand Fidel Castro aura passé la main.
Dans cette perspective, les États-Unis, qui n’ont jamais accepté la révolution des « Barbudos » et ont à peu près tout fait pour l’entraver, sont prêts à fourbir leur propre plan dans un sens favorable au lobby anticastriste d’extrême droite qui, depuis Miami, n’attend que la date et l’heure de la mort du « leader » cubain.
Pendant que Peter Watkins, un porte-parole de la Maison-Blanche, déclarait « nous suivons la situation ; Nous continuerons à oeuvrer en faveur de la libération de Cuba », les Cubains de Floride exprimaient bruyamment leur joie de « Viva Cuba Libre ! » pour fêter la nouvelle de l’hospitalisation de Castro.
L’amérique latine préoccupée
En Amérique latine, les dirigeants les plus proches du « Lider Maximo » se sont montrés préoccupés par l’état de santé du dirigeant cubain.
« De tout mon coeur, j’espère que le président Fidel Castro va se rétablir rapidement et rester toujours avec nous », a ainsi dit Hugo Chavez, le président vénézuélien. Ce dernier tenu informé par La Havane s’est cependant dit « serein ».
Le nouveau venu dans « la lutte anti-impérialiste », Evo Morales, le président bolivien, a pour sa part témoigné de « la solidarité et (du souhait de) prompt rétablissement » de tout le peuple bolivien.
Bernard Duraud