Papon : un nouveau scandale
L’étrange mansuétude (inacceptable) des pouvoirs publics se poursuit en faveur de Papon, pourtant condamné à dix ans de réclusion criminelle en 1998, pour complicité de crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, à l’exemple scandaleux de l’amnistie des généraux félons soulevés contre la République en avril 1961, s’ajoute celui de la clémence du Conseil d’État envers un collaborateur des nazis, condamné comme tel.
Secrétaire général de la préfecture de la Gironde à Bordeaux, en 1942, Maurice Papon concentre ses services, jusqu’en mai 1944, sur le recensement des juifs dans les hôpitaux, les sanatoriums et les maisons de retraite.
Ils organisent l’arrestation des juifs de la région vers le camp de Drancy. Lors de son procès, Papon a été jugé coupable d’avoir ordonné l’arrestation de 1 560 juifs, dont des enfants et des personnes âgées, entre 1942 et 1944. L’essentiel de ces victimes ont été déportées à Auschwitz. Avant de comparaître en jugement, Papon, étrangement « blanchi » à la Libération, avait exercé, en toute impunité, les fonctions de préfet en Corse, puis à Constantine et au Maroc. Partout, il fait réprimer avec force les mouvements populaires.
Préfet de police de Paris, c’est lui qui, avec le ministre de l’Intérieur Roger Frey, est responsable de la répression brutale de la marche de paix des Algériens, le 17 octobre 1961.
C’est encore lui qui est aux commandes de la police OAS et du massacre du 8 février 1962 au métro Charonne, à Paris.
Officier de la Légion d’honneur, maire, puis député et ministre (de 1978 à 1981) des gouvernements de Raymond Barre, Papon, malgré la caution morale de Soustelle et Bourgès-Maunoury, est rattrapé par l’histoire, la mémoire, les témoignages des victimes et… la justice ( ?).
Condamné « légèrement » (dix années de réclusion criminelle, alors que le procureur général en requérait vingt, et que la peine à perpétuité était encourue !), Papon s’enfuyait en Suisse, finissait par être emprisonné en 1999… et remis en liberté le 18 septembre 2002, trois ans plus tard, en raison de son état de santé, alors qu’ à l’époque vingt-sept octogénaires français étaient en prison… et y sont restés.
Le nouveau scandale « Papon »
Trois arrêts rendus par le Conseil d’État (4 juillet 2003, 29 mai 2006, 29 mai 2006) ont rétabli le sieur Papon dans tous ses droits, au paiement de sa pension civile de retraite, jusque-là suspendue depuis le 22 octobre 1999 par décision du chef du service des pensions du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
Non seulement l’intéressé a réussi à sortir de prison pour des raisons médicales… alors qu’il se porte comme un charme, mais, malgré sa condamnation, il obtient le rétablissement de sa pension civile de retraite, le paiement des arrérages dus, et la condamnation de l’État à lui rembourser une partie des honoraires versés à son avocat ! On croit rêver… Quand on connaît la jurisprudence actuelle du Conseil d’État en matière de pension militaire d’invalidité, qui rejette la quasi-totalité des recours effectués, on s’aperçoit qu’il existe bien deux poids, deux mesures.
Il s’agit, certes, de matières différentes (pension civile de retraite et pension militaire d’invalidité), mais, pour ceux qui ont donné leur vie ou souffert dans leur chair pour le pays, aucun respect, aucune indulgence, voire bienveillance, ne sont retenus par la Cour suprême, de plus en plus rigide dans ses décisions. Par contre, pour un triste sire comme Papon, alors là, le tapis rouge est déroulé, le Conseil d’État prend des gants et lui donne satisfaction, ne voulant pas aggraver les souffrances endurées par ce « digne vieillard » !
Rétablir un tel individu dans tous ses droits malgré une condamnation lourde et mérité, c’est renier la mémoire des victimes qu’il a envoyées à une mort programmée et certaine. C’est donner raison aux mouvements révisionnistes et néo-fascistes qui progressent en Europe. C’est légitimer les crimes de guerre commis avant et après Papon et les crimes contre l’humanité. C’est inadmissible, inacceptable !
Et, avec tous ceux qui se souviennent, tous ceux qui n’ont pas connu ces horreurs mais en refusent le retour, poursuivons notre action pour la justice, le droit et le rejet des nostalgiques du fascisme.