La mémoire des crimes
Le 7 février 1962 à Paris et dans sa banlieue, des bombes explosent au domicile de l’écrivain Vladimir Pozner, chez Raymond Guyot, dirigeant du PCF, chez deux professeurs d’université, chez deux officiers supérieurs en retraite, devant la porte de la prison de la Petite Roquette et chez le ministre André Malraux.
C’est là que la petite Delphine Renard, 4 ans, en sortira vivante, mais aveugle et défigurée à vie. L’émotion est énorme, l’indignation est à son comble.
Les antifascistes, de plus en plus nombreux, décident d’organiser une manifestation pacifique entre les agissements de l’OAS qui bénéficie d’une « curieuse » passivité de la part des forces de police.
Dès le lendemain 8 février, des dizaines et des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont dans la rue.
Les antifascistes sont confiants dans l’avenir, parce qu’ils sont de plus de plus nombreux et déterminés à gagner la paix en Algérie.
Ils ne pouvaient imaginer que, sur ordre supérieur, il y aurait des charges sauvages des CRS et d’intervention de la police commandée par le préfet de police de l’époque qui n’était autre que le célèbre Maurice Papon, aujourd’hui condamné pour d’autres crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce soir-là, ce fut un vrai massacre ! Au métro Charonne : 9 morts, parmi lesquels 3 femmes, un jeune travailleur de 15 ans, Daniel Ferry, notre camarade Edouard Lemarchand de la 9e section de l’ARAC Paris. Des centaines de blessés dont des dizaines très graves.
L’opinion française est bouleversée.
Un million de Parisiens accompagnent les dépouilles de ces combattants de la paix en Algérie au cimetière du Père Lachaise.
Au même moment, en province, par des arrêts de travail et des moments de recueillement, les femmes et les hommes de progrès s’associent à cet hommage.
Partout les usines, les bureaux, les chantiers étaient déserts. Pas d’électricité, pas de courrier, pas de transports.
Le peuple de Paris, le peuple de France exprimait ainsi son hommage aux victimes, sa colère contre les ennemis de la République et sa volonté de paix en Algérie.
C’est à partir des crimes de Charonne et du sursaut du peuple que le processus de paix s’accéléra à Évian, pour aboutir le 18 mars 1962 à l’accord provisoire de la République algérienne et le gouvernement français, dont la première mesure fut le cessez-le-feu fixé au lendemain 19 mars à 12h.
Le 19 mars 1962 était aussi un hommage aux martyrs de Charonne. Le 19 mars 2007, ne les oublions pas !